Cinq photos, cinq histoires ( 4 )

Dans ce texte, je parle plutôt des lieux que nous visitons dans nos lectures,  je pourrais le titrer assez banalement : du voyage immobile.

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J’ai lu ces dernières années de nombreux livres dits « western » ce qui est extrêmement réducteur tant il y a toutes sortes de genres et styles englobés dans ce terme. Le Far West, les cow-boys et les Indiens, et puis ces immensités qu’offrent les USA; je ne remercierai jamais assez Gallmeister – principalement –  de m’avoir permis de lire Lonesome Dove et de découvrir Craig Johnson, entre autres. L’énoncé du challenge parle des paysages et lieux comme personnages de la littérature, et c’est pour moi une évidence, et c’est ainsi depuis toujours. Que serait Michel Strogoff ( livre qui a enchanté mes jeunes années) sans les paysages ? Et Notre Dame de Paris sans Paris ? De nombreux écrivains sont indissociables des endroits qu’ils dépeignent, ainsi Jorge Amado et Bahia, Manuel Vásquez Montalbán et Barcelone, Jean-Claude Izzo et Marseille ( oh lui, comme je le regrette… ), ou encore Leonardo Padura et la maison et la table de Josefina à La Havane.

Quand je pars au Wyoming avec Walt Longmire , un ami que j’adore retrouver (comme tant d’autres lecteurs ), j’entre au Buzzy Bee avec lui, j’affronte le blizzard des Bighorn Mountains avec lui, le paysage et les endroits où il dort, mange, travaille, tous ces lieux me sont devenus familiers, j’ai dessiné les contours de ces endroits et à chaque volume, je les retrouve tels que je me les conçois, plus qu’un décor, ils sont acteurs de l’histoire. En particulier dans le dernier paru :« Tous les démons sont ici », où les montagnes sont l’adversaire, en quelque sorte, de notre shériff :

« Il y avait le bruit du vent, comme si quelque chose de colossal passait à côté de moi, quelque chose d’important – si impératif, en fait, qu’il ne pouvait pas s’arrêter pour moi. C’était le bruit du nettoyage fait par le vent dans les territoires de haute montagne quand il frotte le paysage pour tenter de lui rendre sa fraîcheur. […] Peut-être que nos plus grandes peurs se révélaient à cette altitude, si proche du vide glacial des cieux vulnérables. Peut-être que les voix étaient celles des montagnes, qui chuchotaient à notre oreille pour nous faire remarquer à quel point nous sommes insignifiants et éphémères. » (p.132)

Vous avez compris que je suis plutôt souris des champs que souris des villes, même si j’adore aussi les ambiances urbaines, mais je n’arrive pas à y installer mes quartiers, j’y passe, j’y découvre une faune, j’y observe les mœurs, mais je ne m’y installe pas comme je peux aller m’accouder au bar du Buzzy Bee, même si le Comté d’Absaroka n’existe pas.

Nous intégrons inévitablement le tempérament de notre décor, facile à voir quand on lit par exemple un roman islandais et un roman espagnol. Pas possible, à mon avis, de dire que les tempéraments sont identiques. Le cœur, le noyau dur de l’être humain, oui, mais pas la manière de faire vivre cette humanité. Et je suis convaincue que le lieu en est une des causes. 

Ma bibliothèque, pour Evelyne

evelyneJ’ai reçu ce matin une invitation d’Evelyne, que je vous ai présentée il y a peu, à participer à un Bookshelf Tag, dont voici le fonctionnement :
“Si vous acceptez de participer, répondez aux questions suivantes à propos des livres qui figurent dans votre bibliothèque et faites suivre la chaîne à cinq autres blogueurs ou blogueuses. Faites savoir à celui ou celle qui vous a invité quand vous publierez votre billet pour qu’il ou elle puisse lire vos réponses.”
Alors, parce que c’est elle qui me l’a gentiment demandé, j’y vais !
Y a-t-il un livre que vous aimeriez lire mais n’avez pas lu sachant qu’il vous ferait pleurer?
Aucun, j’aime les sensations fortes dans mes lectures, et je l’ai écrit sur ma page « C »est qui ? »,  j’aime autant rire que pleurer, en passant par tout ce qu’il y a entre les deux, la vie, quoi !
Choisissez un livre qui vous a aidé à découvrir un nouveau genre littéraire.
reine des pommes« La reine des pommes » de Chester Himes, mon premier polar, une révélation ! J’ai beaucoup ri, j’ai découvert une écriture et des thèmes abordés différemment. Ce livre a été le début d’une belle histoire d’amour avec cette littérature, que j’aime toujours autant, et qui au fil du temps est sans doute celle qui m’étonne le plus par sa diversité, sa richesse et son actualité.
Un livre que vous voudriez relire.
Il y en a peu…Savez-vous pourquoi ? PARCE QU’IL Y A TROP DE NOUVEAUTÉS ET SI JE RELIS, JE FAIS COMMENT, MOI, POUR LIRE TOUT ÇA, HEIN ? Bon, si je devais répondre – et je le dois, c’est le jeu – , je dirais : celui que je viens de finir, « Confiteor » de Jaume Cabré ( lisez-le et vous verrez ! ) et « Cent ans de solitude » de Garcia-Marquez ( je sais, ça fait deux, mais un c’est pas possible ) Après, si ma vie se prolongeait quelques siècles, j’en relirais plein d’autres, mais …je ne tiens pas du tout à vivre des siècles ( alors là vraiment pas ! ) et préfère lire de nouvelles choses !
Y a-t-il une série de livres que vous préfèreriez ne pas avoir lue?
Comme toi, Evelyne, quand ça ne me plait pas, j’arrête, donc, non, rien que je regretterais d’avoir lu.
Si votre maison prenait feu et que votre famille et vos animaux familiers soient sains et saufs, quel livre retourneriez vous chercher?
Au fond, même si j’aime quand je suis à la maison passer devant mes bibliothèques, et m’y arrêter en me disant : « Ah oui ! ça , c’était chouette ! Il faut que j’en lise d’autres de cet auteur… » l’objet en lui-même est facilement remplaçable, et si ce livre a valu d’être sur mes étagères, c’est parce qu’il m’a dit des choses, l’objet vaut par ce qu’il contient , qui est immatériel…Alors, je ne sais pas si je saurais choisir…les livres lus aimés restent en moi ( je sais ça fait un peu bêbête de dire ça, mais c’est vrai ! ). Enfin, pour vraiment répondre ( ! ) un livre offert par quelqu’un de très cher à mon cœur, sans doute…
Y a-t-il un livre sur vos étagères qui vous rappelle de très bons souvenirs?
Tocaia_grandePffff ! Evelyne ! UN ? Pas possible, il y en a plein ! Ah ben oui ! Les livres dédicacés qui l’ont été par des auteurs que j’aime et avec lesquels j’ai pu discuter ( sinon, ce ne sont que des signatures ! ) Craig Johnson par exemple, et sa gentillesse, sa disponibilité et sa joie d’être parmi ses lecteurs, alors oui, ces livres-là et puis aussi un gros volume de Jorge Amado, « Tocaïa Grande », beau souvenir de mes années lycée et des moments partagés avec Marie, mon amie de toujours, avec laquelle je partageais le goût pour cet auteur, et tant d’autres choses…
marlaguetteEt puis aussi « Marlaguette », le livre préféré de ma fille quand elle était petite, et que je connaissais par cœur pour l’avoir tant lu, comme « La chèvre de Monsieur Seguin », qui nous faisait pleurer toutes les deux !
A mon fils, je lisais « Le vieil homme et la mer  » quand il avait 8-9 ans, ça l’a beaucoup le vieil homme et la mermarqué…Et il aime les livres, lui aussi…Les livres pour moi sont des compagnons et plein d’entre eux sont liés à de très beaux souvenirs, tu sais, comme les chansons qui nous reportent dans un temps et un lieu auxquels elles sont pour toujours liées dans notre esprit. Je crois vraiment que tous les livres que nous avons aimés et dont nous nous souvenons sont au minimum liés au plaisir qu’ils nous ont procuré, dans leur lecture en solitaire, ou dans un partage. ( Je crois avoir déjà parlé du bonheur de la lecture aux enfants…)
Le livre qui vous a le plus inspiré.
CVT_Le-Jeu-des-perles-de-verre_2731Sans doute, pour n’en citer qu’un, « Le jeu des perles de verre » de Hermann Hesse, une sorte de lumière portée soudain sur les infinies possibilités de la littérature. J’avais quinze ans, et vivais une folle aventure avec les livres…De tous les styles.
Avez-vous des livres dédicacés par l’auteur?
Oui, j’en ai et que j’aime : Craig Johnson, comme Mary, plusieurs,et aussi un d’Edmond Baudoin, avec un chouette dessin dans « Piero », mais aussi  la carte de John Irving, écrite de sa main, en réponse à une lettre adressée à son éditeur pour « Une veuve de papier » ( un roman qui, s’il n’est pas le meilleur, m’avait fait, moi,  beaucoup pleurer )  et envoyée du Maine !
Quel est le livre que vous possédez depuis le plus longtemps?romeo-part-en-vacances-de-alain-gree-972305971_ML
bobbyIl y en a deux, un à moi et l’autre, c’est un livre de mon frère perdu, un album tout déglingué, « Où es-tu Bobby ? » en souvenir d’un jeune homme disparu, Mon Grand Frère, qui me l’avait donné…Le mien, je l’ai eu à 6 ans , c’est « Roméo part en vacances », un album Casterman d’Alain Grée, un livre qui m’amusait beaucoup.Ce n’était peut-être pas le premier, mais celui-ci je l’ai lu seule, et c’était un vrai album, cartonné et « moderne ».
[ APARTÉ  : Je ne sais pas, Evelyne, si tu as connu ces tout petits livres à couverture souple, format carré de 10×10, en couleur, pas chers…J’en ai toute une collection . Eux, je les ai eu avant, mais Roméo, c’était le grand luxe ! ]
Y a-t-il un livre écrit par un auteur que vous n’auriez jamais imaginé lire ou aimer?
Alors là…je réfléchis, mais je ne vois pas, j’ai testé pas mal de choses, dans tous les genres ( à cause du travail en bibliothèque, il le faut, et aussi par curiosité ) mais non, je ne crois pas avoir eu une « surprise » de cet ordre. Plutôt le contraire, c’est-à-dire je n’ai pas aimé des choses dont je croyais qu’elles me plairaient (souvent pas finies, du coup) et que j’ai déjà oubliées ! 
Voilà ! Je suis très contente, Evelyne, de te compter parmi mes lectrices, et très touchée que tu aies pensé à moi pour ce Bookshelf Tag. J’aimerais bien maîtriser l’anglais, assez pour lire tes livres à toi !
Comme tu le constates une fois de plus, je ne SAIS pas faire court quand il s’agit de livres. Me proposer ce genre de chose, c’est risqué !
Comme tu as déjà invité notre petite libraire Mary, je vais proposer ce challenge à Culturieuse, à Kaliadi ( là, elle n’aura pas le temps tout de suite, elle travaille sur un beau projet), à Lorenz le traducteur, à Marie et enfin à Richard . Tous sont des amateurs de livres – entre autres choses – , chacun à leur manière. J’ai développé avec certains une vraie camaraderie – voire une amitié –  et en tous cas, c’est toujours un grand plaisir d’échanger. J’espère, Evelyne, qu’ils répondront « présents » !

Hildegarde de Bingen à l’Abbaye de Cluny

Cluny_Transept_exterior_mHier, très beau spectacle sur cette femme étonnante qu’était Hildegarde de Bingen. Chanteuse et comédienne très belle, pleine de vitalité, qui a incarné une Hildegarde d’une grande intelligence, accompagnée par un étonnant musicien. Se promenant avec le public dans l’abbaye de Cluny à la nuit tombante, dans la lumière d’été reflétée par les vieilles pierres, ses instruments de maintenant ou d’hier illustrent les chants et danses mystiques de la religieuse, à la façon des enluminures du XIIème siècle. On pense à l’Orient et aux soufis. Très impressionnée quand Irek Sztach intègre du chant diphonique à sa musique, ce chant pratiqué par les maîtres mongols ( un article sur ça ici ). Un enchantement d’un tout autre genre que celui du concert de Moriarty, c’est sûr, mais c’est ce qui fait le charme de la culture : sa diversité !

Découverte aussi de cette grande  abbaye de Cluny, où des fouilles constantes nous révèlent une merveille architecturale , puis le soir, traversée de de cette jolie petite ville bourguignonne, vivante et belle. Encore une belle soirée d’été…

A ceux du coin : dernière du spectacle le samedi 26 Juillet. Trois liens pour vous : hildegarde de bingen sur le spectacle , sur Hildegarde médecin et sur Cluny. On trouve toujours, éditées, les recettes de médecine de la nonne et plusieurs ouvrages qu’elle a rédigés.

Et comme ce sont les vacances pour beaucoup d’entre vous, un dernier site sur cette si belle région du Mâconnais, à visiter et à déguster à table et à la cave !

La chanson du jour, en direct du Brésil

Brésil, qui  nous a donné de grands musiciens et de grands écrivains comme

Joao Gilberto et Tom Jobim, pour la musique,

Carlos Drummond de Andrade, pour la poésie…

Et tant d’autres !

 

Un petit tour à La Havane…

 

Et pour accompagner cette bande-son, prenez un des formidables romans de Leonardo Padura (édité chez Métailié, et en Folio ), comme « Les brumes du passé »,   particulièrement beau. Le personnage, Mario Condé, a quitté la police et en bibliophile qu’il est depuis toujours, il s’est reconverti dans la vente de livres rares. Mais ça n’empêche pas qu’il ait gardé le goût de la vérité et qu’une enquête se présentant, il la mène en solo…Enquête sur la disparition d’une chanteuse de boléro 50 ans plus tôt, qui sera prétexte à l’auteur pour ressusciter le Cuba d’alors, entre les mains d’un dictateur ( un autre que l’actuel, enfin, de ce qu’il en reste ! ) et des mafieux américains, une île vouée au plaisir dans la musique, le rhum, les cigares et les belles filles . Un de mes livres préférés de cet auteur.

ICI un très bel article .

Leonardo Padura est un grand écrivain que j’ai tellement aimé que je l’ai fait lire à pas mal de gens et je vous le conseille, vraiment. Ses livres sont un hymne à l’amitié, avant toutes choses. La tribu de Mario Condé est magnifique, réunie le plus souvent autour d’une table, à boire, manger, et parler…Et puis, au fil des romans Padura, qui a choisi de rester dans son pays, de manière habile, dans les descriptions qu’il fait de l’île et de la vie des gens, décrit  la dégradation progressive de son monde, et alors on entend un de ces boléros mélancoliques en sourdine…Personnellement, j’ai toujours eu envie de voir Cuba, et les Cubains…Ce sera sans doute : jamais…Mais j’ai les romans de Padura, et la musique, et des images dans la tête…C’est peut-être aussi bien comme ça, un pays en rêve…

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Vous pouvez lire cet extrait  de la page 85:

 

 » […] La Havane, c’était de la folie : je crois que c’était la ville la plus vivante du monde. Paris ou New York, de la merde, oui ! Beaucoup trop froides … Pour la vie nocturne, il n’y avait pas mieux qu’ici. C’est vrai qu’il y avait des putes, la drogue, la mafia, mais les gens s’amusaient et la nuit commençait à six heures du soir et ne finissait pas. Tu t’imagines, dans une même nuit tu pouvais prendre une bière à huit heures en écoutant les Anacaonas aux Aires Libres sur le Prado, dîner à neuf heures avec la musique et les chansons de Bola de Nieve, puis t’asseoir au Saint-John pour écouter Elena Burke, ensuite aller dans un cabaret pour danser avec Benny Moré, ou avec les groupes Aragon, Casino de Playa, Sonora Matancera, te reposer un moment en savourant les boléros d’Olga Guillot, de Vicentico Valdés, de Nico Membiela … ou aller écouter les jeunes du feeling, José Antonio Méndez avec sa voix rauque, César Portillo et, pour finir la nuit, à deux heures du matin tu pouvais faire un saut à la plage de Mariano pour assister au spectacle du Chori frappant sur ses timbales, et toi, là, comme si de rien n’était, assis entre Marlon Brando et Cab Calloway, à côté d’Errol Flynn et de Joséphine Baker. Et après, si tu n’étais pas complètement mort, tu pouvais descendre à La Gruta, là sur la Rampa, pour te retrouver au lever du jour, emporté par le jazz de Cachao, Tata Güines, Barreto, Bebo Valdès, le Noir Vivar et Frank Emilio qui faisaient un bœuf avec tous ces fous qui étaient les meilleurs musiciens que Cuba ait jamais eus ! Ils étaient des milliers, la musique était l’atmosphère et elle était à couper au couteau, il fallait l’écarter pour pouvoir passer … Et Violeta del Rio faisait partie de ce monde … […] »

Buena Vista Social Club dans les oreilles et Padura entre les mains : bon voyage !

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