« Bacchiglione Blues » – Matteo Righetto -éditions La dernière goutte/ Fonds noirs, traduit par Laura Brignon

bb« À ce stade, ce n’était plus une question d’argent, mais de principe. Une question de justice, si on veut, de droiture, en admettant que ce mot eût un sens pour lui.

Le travail qu’on lui avait demandé plus d’un an auparavant, il l’avait exécuté sur-le-champ, sans broncher, et dans les règles de l’art. Jusque dans les moindres détails.

Cependant, et c’était bien là le problème, il n’avait jamais perçu la somme convenue, pas même un centime, raison pour laquelle il avait fini par décider d’aller la récupérer en personne, une bonne fois pour toutes, sans préavis inutiles, détours hypocrites ou manières ridicules. »

Pure récréation que ce polar italien…Enfin « pur » est un terme un peu abusif, parce que rien ici n’est bien correct, rien n’est bien propret, et la seule chose qui soit aboutie, c’est la boucle bouclée, chacun ayant son dû au bout de ces 140 pages de bonne rigolade avec cet excellent moment de distraction, une lecture absolument délectable.

sugar-beets-848719_640Voici Zlatan le géant bosniaque qui frappe à la porte d’une ferme au milieu des champs de betteraves un jour d’octobre . Zlatan Tuco veut son salaire pour un travail déjà vieux d’un an, que lui doit Tito…Quel travail ? On ne sait pas, mais :

« La porte de la ferme finit par s’ouvrir lentement, grinçant comme un faisan sous les roues d’un tracteur. Elle laissa apparaître la silhouette ratatinée d’une petite vieille. C’était une espèce d’escargot équipé d’une grosse coquille et de lunettes aussi épaisses qu’un fond de verre Ikea. »

Mais le fils, Tito, est parti et Zlatan fait chou blanc ; alors il s’en va sur les chapeaux de roue dans sa Fiat blanche de beauf au son de Balkan Blues, Zlatan file faire ce qu’il a à faire, contrarié dans son projet de se rendre au festival de blues de Bacchiglione.

Tito, flanqué de deux autres bras cassés de son acabit, est occupé à  préparer un bon coup pour enfin devenir riche. Il va en découler une histoire bien rocambolesque, durant laquelle nous allons croiser un riche industriel du sucre en poudre et son bras droit, son épouse objet du rapt,

« Elle ouvrit une bouche aussi grande que le tunnel de Fréjus et leva immédiatement les mains en l’air. Son visage et ses lèvres blanchirent en un quart de seconde et elle s’évanouit sous le coup de l’angoisse. »

son chien – brièvement – , des témoins de Jéhovah et un ragondin blanc ( non, pas albinos! BLANC ! ).

nutria-1386428_640Va s’en suivre une course poursuite, précédée d’un séjour d’attente en zone humide, où grouillent insectes et rongeurs. Nos pieds nickelés sont sales, moches, grossiers voire vulgaires, ils mangent des choses grasses en quantités abusives, aiment les putes albanaises et sont fans des séries américaines des années 80 et des dessins animés japonais de la même époque. Leurs conversations culturelles en sont pleines, mais même s’ils aimeraient bien ça, ils ne soutiennent pas la comparaison avec leurs héros de « L’agence tous risques » ou « Shérif, fais-moi peur », on en est même assez loin…L’industriel qui veut récupérer sa femme et ne pas perdre son argent lance à leurs trousses trois mercenaires répondant aux doux surnoms de La Charogne, Mâchesoupe et La carpe et c’est alors l’apothéose, les armes sont fourbies, les moteurs ronflent, les carabiniers, policiers et « autres casse-couilles divers et variés » entrent en piste, et ce cortège vrombissant et canardant traverse Bacchiglione et la foule venue au festival de blues qui s’y déroule.

Je m’arrête là, car il y a quand même quelques surprises, mais en tous cas je me suis fait cette lecture roborative en une heure, j’ai beaucoup ri, et je tiens à dire que c’est très bien écrit, bien construit, bien immoral aussi.

img_0392Bref : j’ai beaucoup aimé ma récréation !

« – Non mais tu te rends compte? lui demanda un collègue en s’allumant une Marlboro, les yeux fixés sur l’animal.

– Beh , si je me rends compte…Une tuerie pareille img_0393pour une rate albinos…J’ai l’impression qu’ils sont complètement fadas dans le Nord.

-Et comment ! À côté, le Far-West c’est de la rigolade !

Des bois profonds et obscurs, on entendit alors l’écho d’un coup de feu monter vers le ciel illuminé par la pleine lune. »

 

6 réflexions au sujet de « « Bacchiglione Blues » – Matteo Righetto -éditions La dernière goutte/ Fonds noirs, traduit par Laura Brignon »

  1. Je le note !!! Je vais même le mettre en haut de la liste … Par les temps qui courent, on ne va pas de priver d’un livre « bien écrit, bien construit, et bien immoral » !!!!!

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