« Les nuits de Reykjavik » – Arnaldur Indridason – Points Policier, traduit par Eric Boury

indridason« Il se demandait si ce n’était pas sa passion pour les destins tragiques qui l’avait conduit à s’engager dans la police. »

Retour aux débuts dans la police islandaise d’ Erlendur, ce flic mélancolique obsédé par les disparitions.

Rares sont les romans dits policiers qui racontent le quotidien d’un flic ordinaire, comme Erlendur à ses débuts. Le grand Indridason, épaulé par la toujours impeccable traduction d’Eric Boury, nous fait ici le portrait de son célèbre personnage, jeune homme déjà taciturne, solitaire, peu démonstratif, maladroit dans les relations amoureuses, mais néanmoins sensible et intelligent, amateur de littérature et de poésie. Un peu rêveur sans doute, mais avec les deux pieds quand même bien ancrés sur sa terre islandaise et un cerveau qui fonctionne bien. Portrait aussi de Reykjavik et de la vie des presque invisibles, pauvres gens vivant dans les sous-sols, sous les pipelines, dans des foyers ou dans la rue, tous alcooliques ( ils boivent de l’alcool à 70°…), tous cassés par une histoire de vie tordue; les coups, les trahisons, les abandons et les disparitions. Mais Erlendur, lui, voit ces gens-là .

Quand il découvre la mort d’Hannibal, clochard qui lui était familier, une mort vite classée comme un accident, son obsession de l’explication, celle qui fera de lui le talentueux policier que nous connaissons et aimons, ce besoin d’expliquer le lance dans une enquête quelque peu parallèle à ses fonctions de simple flic. Plutôt chargé des tapages nocturnes, petits voleurs et gent avinée, il va déployer ici, et pour la première fois son grand talent d’enquêteur. 

Et toujours, la belle plume d’Indridason:

« Sentant le sommeil le gagner, il reposa son livre. Il pensait aux nuits de Reykjavik, si étrangement limpides, si étrangement claires, si étrangement sombres et glaciales. Nuit après nuit, ils sillonnaient la ville à bord d’une voiture de police et voyaient ce qui était caché aux autres: ils voyaient ceux que la nuit agitait et attirait, ceux qu’elle blessait et terrifiait. Lui-même n’était pas un oiseau nocturne, il lui avait fallu du temps pour consentir à quitter le jour et à entrer dans la nuit, mais maintenant qu’il avait franchi cette frontière, il ne s’en trouvait pas plus mal. C’était plutôt la nuit que la ville lui plaisait. Quand, dans les rues enfin désertes et silencieuses, on n’entendait plus qu ele vent et le moteur de la voiture. »

J’ai découvert Indridason avec « La femme en vert », un vrai choc de lecture, autant sur le style que sur le sujet (et ce livre reste d’ailleurs mon préféré de la série). Les femmes battues et l’alcoolisme y étaient déjà présents, comme des fléaux de l’Islande. La fin du roman nous met en contact avec Marion Briem, supérieure du jeune Erlendur, et dont la finesse capte tout de suite le potentiel du jeune policier. Je me demande encore si Marion est une femme…J’en étais convaincue après avoir lu « Le duel », et ici j’ai des doutes…Ma petite copine Mary de Littéraventures, elle, en demeure certaine, (oui, nous nous interrogeons toutes deux depuis longtemps sur le sexe de ce personnage…). 

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Alors, après cet opus rétroactif dans la vie nocturne de Reykjavik que nous réserve Indridason? En Mars, sortie d’un nouveau roman dans la série des enquêtes d’Erlendur aux éditions Métailié : « Le lagon noir »…Très impatiente.

Je vous invite à visiter deux sites, Toute l’Islande, dans mes liens depuis que j’ai rencontré la littérature islandaise : et un nouveau, découvert grâce au premier Vivre en Islande.

Pendant que j’y suis, si ce n’est pas fait, allez voir le film « Béliers » réalisé par Grímur Hákonarson 

 Bon voyage !

12 réflexions au sujet de « « Les nuits de Reykjavik » – Arnaldur Indridason – Points Policier, traduit par Eric Boury »

  1. J’ai aussi beaucoup apprécié ce livre. Mais mon préféré de cet auteur a été « L’homme du lac ». C’est par Indridason que j’ai découvert la littérature islandaise, j’ai ensuite lu autre ou cinq autres auteurs et cela a été une très belle découverte. Merci pour tes liens sur l’Islande !

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    • Ce pays, cet univers qu’est l’Islande n’arrête pas de me surprendre. Stefanson, Olafsdottir, Bladursdottir, tous m’ont enchantée. Indridason étant le maître côté polar ( et je me réjouis de le voir à Lyon pour les Quais du Polar

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  2. Je viens de le terminer. Superbement bien écrit … mais moins captivant, à mon sens, que « La Cité des Jarres », si j’en crois le nombre de fois que j’ai posé l’un ou l’autre livre, pour aller dormir. « Les nuits de Reykjavik » ont moins perturbé mon sommeil. Mais j’aime beaucoup cet auteur, c’est évident.

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    • Je suis d’accord, ce n’est pas le plus prenant, mais il y a l’ébauche dessinée d’Erlendur. Et quand on a lu toute la série avant, ce livre-ci prend tout son intérêt. Très malin pour l’auteur de ne pas en avoir fait le premier de la série.

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  3. J’ai emmené la « Cité des Jarres » avec moi en vacances. Et j’ai fait un truc impensable : quand je l’ai eu terminé, je l’ai jeté. Oui, jeté … J’en ai encore plus honte maintenant que je vois ton avis et celui des autres lecteurs !!!
    Je me suis demandée si le livre avait été mal traduit ou si j’étais terriblement peu réceptive à ce style que j’ai trouvé plein de lourdeurs et de répétitions. J’ai rencontré pour la1ère fois le personnage d’Erlendur : il m’a paru taillé grossièrement à la serpe, sans finesse, sans vérité. Bref, j’ai eu beaucoup de mal à m’intéresser à cette histoire aux circonvolutions tirées par les cheveux et à ses protagonistes …

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    • Rhâââ ! Quel dommage ! Je suis sur sa dernière trilogie, un régal ! Et son traducteur est sans doute le meilleur traducteur de l’islandais ! La cité des jarres est parmi les meilleurs, mon préféré est la femme en vert, et Erlendur effectivement est taillé à la serpe, ça s’appelle le choc des cultures, je crois, Marie !!! L’Islande c’est très très particulier, et moi j’aime ! Après, on n’est pas forcément prêt ! Mais c’est pas grave ! Toutefois Indridason est LE maître du polar islandais, et pour moi il va bien au-delà en explorant l’histoire de cette île sauvage, dont la géologie a taillé les hommes qui y vivent, au -delà en scrutant sa société et surtout, son obsession du thème de l’absence, ou plutôt de la disparition.

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