« La joie » , Charles Pépin – Allary éditions

couverture-la-joie-allaryDeux découvertes avec cette lecture : Charles Pépin et cette nouvelle maison d’édition généraliste,  Allary éditions qui entend avoir une ligne qualitative plutôt que quantitative : « Maison d’auteurs. Quinze livres par an maximum. Des auteurs qui construisent une œuvreDes livres qui touchent le plus grand nombre. »   Affaire à suivre, mais déjà des noms « porteurs » comme Matthieu Ricard et Riad Sattouf. Quant à Charles Pépin, très présent dans différents médias, il publie ici son troisième roman. Qui me laisse perplexe depuis que je l’ai fermé hier ( vite lu, une heure, c’est un livre court ). Alors j’ai pris plaisir à cette lecture, qui m’a tenue par son écriture alerte, oui, mais aussi par la curiosité qu’elle a suscitée en moi. Où va-t-il, Pépin, avec son unique personnage, Solaro ? Parce qu’au fond, il n’y a qu’un personnage, cet homme qui se réjouit du ciel bleu par la fenêtre de l’hôpital en tenant la main de sa mère mourante. Un homme qui savoure le bonheur total que lui procure chaque bouchée d’une omelette aux cèpes, devant son père réduit à l’état d’ombre par la perte de sa femme.  wall-210109_1280Solaro est un homme étrange dont le caractère bouscule un peu le lecteur parce qu’il a pour moteur la joie, celle de vivre au jour le jour, de profiter du moment présent et des belles choses du quotidien comme le soleil, l’omelette aux cèpes, la femme avec laquelle il vit une belle aventure très libre, son ami douteux Ange le Corse, tout ce qui est beau à la vue, bon au goût, sensuel pour tout. Ce qui va le faire passer pour ceux qui seront amenés à le juger pour un être sans sentiments, inconsistant et égocentrique, bon à enfermer. Le livre est un voyage autour d’un nombril, mais joyeux – ce qui change, d’habitude le nombril est torturé ! – d’où l’amusement ressenti en lisant, parce que c’est une idée divertissante, ce genre de personnage. Je ne sais pas si c’est une leçon de philosophie: la culture de la joie qui sauve, armure confortable contre les chagrins de la vie, remède à fabriquer chacun dans son intime laboratoire cérébral afin de ne jamais souffrir. Renoncer à l’espoir d’une vie meilleure pour prendre les instants de joie du présent. Je n’en sais rien…Je ne sais pas si Solaro m’est sympathique, mais il me semble irréel, il est un prototype peut-être qui incarne une certaine idée de la vie, mais il fait peur à ceux qui l’entourent, au monde et à ses codes. barbed-wire-606977_1280En lisant ce texte, j’ai confronté mon expérience personnelle ( la maladie, la mort, la faim, la solitude, l’amour…) avec celle de Solaro, et j’ai pensé que je ne crois connaître personne empli à ce point de résistance/ indifférence à l’adversité (surtout pas moi, hélas). Je ne comprends pas Solaro, et il ne cherche pas à être compris, il est, c’est tout, dans le moment présent et s’empare de tout ce qu’il a à lui offrir. Il ignore la colère ou la rancune comme il fait taire le chagrin. Il y a je crois derrière ça l’idée ( pour moi gênante) que la misère serait moins pénible au soleil…Vous pouvez lire cet article du JDD  pour vous donner un aperçu du concept. Et là j’ai du mal, je ne sais pas vous, mais moi oui, j’ai du mal avec cette idée que je trouve pernicieuse. Mais ce n’est que mon point de vue, je serais contente d’avoir le vôtre. Je n’arrive pas à concevoir cette annihilation de la  douleur, d’une fièvre colérique ou d’une révolte chez un être humain. On envie un peu Solaro quand on regarde en soi. Ce qui me gêne, c’est que derrière ce propos l’idée que tout combat est vain peut pointer –  mais je me trompe peut-être – et que mieux vaut saisir le coin de ciel bleu qui donnera de la joie immédiatement.  On peut ressentir cette joie offerte par les belles et petites choses quotidiennes, un sourire, le soleil, une fleur éclose, toutes choses que j’apprécie. Je connais cette joie-là, mais au point de Solaro non, je ne suis jamais arrivée à ressentir de la joie en perdant un être cher, jamais ( pas parce que, évidemment, mais au moment où ) . D’où l’idée du prototype.  engine-352423_1280Solaro n’est pas un simplet, attention ! Mais il passe entre les obstacles grâce à cette joie qui surgit toujours au bon moment parce qu’elle est en lui, dans sa manière de regarder le monde. Enfin vous l’avez compris, ce petit livre pose des questions, tout ça est bien intéressant tout de même. Intrigant. Plein de tendresse, parce que Solaro est tendre ( tendresse source de joie ) et drôle ( sourire source de joie ) , parce que Solaro est tellement décalé que son attitude en devient comique.  Perplexité, voilà avec quel mot je résume ce que me laisse cette lecture; curieuse de vos avis ! 

11 réflexions au sujet de « « La joie » , Charles Pépin – Allary éditions »

  1. Le titre même de ton article et donc du livre m’a interpellé tant j’aime ce mot ! La joie, ce mot un peu désuet, ringardisé au profit du Bonheur, avec ses grandes ambitions, absolu, complexe et complexant ! Le joie, c’est la sensation intense et passagère d’être vivant, jouir pleinement de l’instant, s’en remplir …Cette force vive, peut aider à traverser les tourments…La souffrance nous enferme en nous même et nous aveugle;;;Peut être qu’un grand ciel bleu, un jour de grand chagrin peut être non une injure à sa peine mais une source d’énergie et de consolation.
    N’est ce pas cela dont voulait parler l’auteur en amputant ainsi son personnage de toute empathie? Ou dénonçait il l’égocentrisme actuel qui refuse l’empathie au profit d’une jouissance perpétuelle, qui préfère l’émotion fugace à la compassion, parce que le bonheur est un droit et qu’on le vaut bien ??? La question est, quelle valeur à la vie si on refuse toute souffrance ?
    Mais aussi, penser que souffrir est inhérent à l’humain n’est il pas une valeur judéo-chrétienne à remettre ne question ??? Houcht, suis forme de bon matin !!! Bisous !

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    • Eh oui, je me suis posé un peu les mêmes questions…Je ne peux pas dire que j’ai aimé ce livre, je n’ai pas adhéré, parce que je n’y ai vu qu’un personnage – il y en a d’autres, mais j’ai trouvé qu’ils étaient des alibis, pas de vrais personnages – et ça ça m’énerve. Bien sûr, je sais que ce mot de joie tu l’aimes ! Et moi aussi, je l’aime et je sais ce qu’est la joie ! Tu l’as si souvent si bien exprimée avec tes dessins, avec Robert et tout ça…Mais la joie perpétuelle, Kali…Je ne dis pas qu’il faut souffrir – ah on s’en passerait volontiers ! – mais je ne crois pas que seule la joie donne du goût à la vie. Je crois que la saine colère aussi, et comme je le dis dans l’article, j’ai pressenti l’idée, dans ce livre hommage à la joie que : pourquoi parfois se révolter ? Contentons-nous de ce que nous avons, ainsi le clochard la bouche de métro qui le chauffe en hiver, ou le chômeur d’avoir du temps libre ( pour ressentir toute la joie de cette liberté, tiens…). C’est ceci que peut-être malgré lui sous – entend l’auteur, et ça me gêne. Bon ! je suis toute à la joie de faire ma confiture, YOUPI ! et donc, je t’écris plus tard ! des bisous ma fée, que j’aime joyeuse et AUSSI révoltée !

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    • Et je rajoute, tu as raison, l’idée de souffrir qui serait notre châtiment en quelque sorte, très peu pour moi et bien sûr la culture judéo-chrétienne, que nous connaissons si bien, avec ce qu’elle pèse sur notre société ( mariage pour tous, avortement, se marier et faire des mômes, même si on ne les aime pas, tout ça…) !Je pense que Pépin n’a pas tout à fait tort, mais il se peut que dans un débat purement philo, son message m’aurait plus intéressée, parce que plus développé. Lis-le, et tu me diras ! j’ai bien envie d’avoir des avis !

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      • Bien d’accord avec toi ! Cela t’étonne ? La joie ne peut être qu’une fulgurance passagère, mais ne peut être qu’une attitude ,une disponibilité non une volonté ! Sinon c’est juste de l’aveuglement… La colère est aussi une force vive, une pulsion de vie et elle très précieuse et nécessaire aussi ! Ultra d’accord ! Au fond, je trouve que réduire sa vie à une seule théorie, aussi philosophique soit elle est réducteur ! Moi, je pioche dans tout ce qui m’aide à vivre le moment et tenir debout et pas trop honteuse de moi ! Bonne confiture ! Tu vois, ça, c’est de la joie ! Et c’est si boooooooooooooon ! Kali revient tout à l’heure ! J’y travaille justement ! gros bisous !

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  2. Je vous admire Kali et toi de trouver tous ces mots pour si bien dire ce que vous ressentez (et pour Kali les dessins en plus !), moi je ne sais pas utiliser les mots comme je voudrais, ils ne me viennent pas même si l’idée est claire dans ma tête, mais je suis d’accord pour dire que la révolte a du bon et même qu’elle est nécessaire.
    Accepter et se taire ? Trouver plus malheureux que soi c’est toujours possible. Et souffrir pour gagner son paradis ??? je n’y crois pas.
    Profiter de chaque instant quel qu’il soit ? Je suis d’une nature pessimiste alors à fortiori ce genre d’attitude m’est étrangère
    Bref, je ne crois pas que je lirai ce livre…

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  3. Vivre à fond l’instant présent, oui, bien sûr, le valoriser, d’accord, mais il n’est pas toujours gai et il faut alors le vivre tout aussi intensément, même dans la souffrance. Chacun, je crois, débute dans la vie avec un capital personnel d’optimisme plus ou moins volumineux. (Cyrulnik dirait d’ocytocine). C’est ce qui détermine notre façon de faire face et de voir la vie. Peut-être peut-on le faire fructifier? Votre échange est extra, j’adhère!

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    • Si tu lis ça, Martine/Culturieuse, je serai heureuse d’avoir ton avis. Je précise qu’une amie( qui en a pensé à peu près la même chose que moi ) me l’a prêté, je ne l’aurais jamais acheté! Et je préfère lire Cyrulnik.

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  4. Ton résumé me donne envie de lire ce livre. Je suis quelqu’un de joyeux et pourtant ma vie n’est pas des plus simples. Mais quelle vie l’est? La lecture, le jardin, le bricolage sont pour moi des sources de petites joies quotidiennes. Je souris car le soleil brille, qu’une fleur s’ouvre, qu’un oiseau vient sur le rebord de la fenêtre. Il y a aussi les grandes joies comme être entourée de ceux que j’aime… tout cela m’aide à surmonter toutes mes galères. Bien-sûr, il y a des jours noirs, mais je me raccroche vite à la joie d’être en vie tout simplement. C’est ce qui me donne la force de continuer à avancer.
    Bisous

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    • Hâte que tu me dises ce que tu auras pensé de ce livre…J’ai pris du plaisir à le lire, mais paradoxalement, je ne suis pas sûre d el’avoir aimé…En tous cas, je n’ai pas beaucoup aimé le personnage. Alors, j’attends ton avis ! Des bises aussi, tiens !

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