Depuis « Un feu d’origine inconnue », je voulais lire autre chose de Daniel Woodrell et c’est avec ce roman glacé, cruel, que j’ai approfondi cette rencontre.
Ree Dolly, jeune fille de 16 ans, vit avec ses deux petits frères, Harold et Sonny et sa mère qui a perdu la raison et passe le plus clair de son temps dans un fauteuil à bascule, à marmonner. Quant au père, sa disparition est le nœud de l’histoire. En liberté conditionnelle contre une hypothèque de sa maison, il a disparu, et s’il ne se présente pas au tribunal, femme et enfants seront expulsés. Ree part à sa recherche.
Cette histoire, qui se déroule en hiver dans les montagnes Ozarks est d’une terrible violence. La famille Dolly et toutes ses branches, plus de 200 personnes, peuple cette vallée. Ree, elle, tente de faire de ses frères si ce n’est des garçons impeccablement élevés, du moins des personnes pas trop méchantes.
« Tant de Dolly avaient pris ce chemin, déglingués avant même d’avoir du poil au menton, élevés pour vivre hors la loi et soumis aux impitoyables et sanglants commandements qui président à ce genre d’existence. »
Je ne raconte pas plus l’histoire, mais une fois encore, l’écriture de Woodrell m’a impressionnée, ainsi que son sens de la métaphore. Il arrive à renouveler la description des paysages qui sous sa plume prennent une grande puissance.
« Des pins dont les branches basses s’étalaient au-dessus de la neige fraîche formaient pour l’esprit une voûte plus solide que n’en pourraient jamais créer prie-dieu et chaires. »
ou des images comme celle-ci qui instille un état immuable et inéluctable dans la grisaille
» la grisaille était comme punaisée au ciel ».
Les portraits des personnages patibulaires qui règnent sur ce monde brutal sont tracés à grands coups de couteau en aplats rageurs, déclinés en teintes froides et sombres. Ce livre est une longue souffrance, une longue rage de survivre pour la jeune Ree qui veut sauver son maigre bien, pour elle et ses frères, et elle endurera tout avec une hargne incroyable. Ambiance de glace, il y fait froid dans ce livre, très froid, comme dans le cœur des habitants de ces montagnes. Seule l’amitié de Ree et de Gail, 16 ans elle aussi , déjà mère d’un petit Ned – elle vit dans une caravane avec un compagnon de 20 ans, trop jeune et inconséquent – seule leur affection l’une pour l’autre est un semblant de foyer chaud et réconfortant. Tout le reste n’est que charge trop lourde, mais pourtant assumée sur les épaules de la petite Ree.
Magnifique écriture qui dit sans fard un monde sordide, mais dont la finesse et la précision font surgir des instants lumineux quand les deux adolescentes retrouvent leur âge et leurs bras enlacés pour se consoler, ou bien ceux où Ree et ses frères partagent des gestes du quotidien comme le font les enfants, même si c’est bref, ces moments éclairent et réchauffent un peu le lecteur, pris dans cette gangue de glace.
Bouleversant d’un bout à l’autre, ce ne sera pas le dernier livre de Daniel Woodrell que je lirai. Le livre a été adapté au cinéma par Debra Granik en 2010 ( les deux frères sont devenus un frère et une sœur ) ; je ne l’ai pas vu. Une bande-dessinée est parue aussi chez Casterman – Rivages / noir par Romain Renard.
Voici la bande-annonce du film, pour le décor.
A découvrir donc
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Oh oui, super auteur !
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A lire aussi La mort du petit coeur, absolument bouleversant.
Et en fait tous …
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Oui, j’avais le choix chez mon libraire, je vais acheter celui-ci la prochaine fois…Et les autres plus tard!
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Je ne l’avais pas vu non plus le film…… malgré les critiques positives….. Le livre, il sera « noté » !
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Dans le film, Ree a une petit frère et une petite soeur, je ne sais pas pourquoi le réalisateur a fait ce choix…Mais l’ambiance a l’air très fidèle, c’est un livre bouleversant en tous cas. JM Laherrère de l’Actudunoir me conseille tous les livres de Woodrell, je vais suivre son conseil, je pense.
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Comme d’habitude tu sais très bien raconter le livre, une écriture et donner envie de le lire, mais sur ce coup là, je ne me sens pas d’humeur à affronter une telle noirceur…Un jour de de grande certitude heureuse peut être ??? Mais bravo pour ton billet parfait comme toujours !
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Merci, Kali !
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Tout Woodrell est bon.
Belle chronique.
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merci
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Je ne connais pas cet auteur (encore un !) pourtant j’ai vu le film tiré de ce roman et je l’avais aimé, justement à cause de sa noirceur.
Je ne sais pas pourquoi (?) je préfère souvent les livres ou les films à l’atmosphère noire aux autres.
Tu donnes envie de le lire en tous cas, je note.
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Je suis comme toi, je ne sais pas pourquoi non plus. J’aime pourtant bien lire des choses drôles et poétiques, mais c’est souvent dans l’ironie ou l’humour noir. PLus réaliste ? Je suis de manière indécrottable très terre-à- terre !
Pour les commentaires, ils passent par ma lecture, et je les valide avant publication, because mésaventures désagréables ! Je ne garde donc que celui-ci ! 😀
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Pour adultes avec des personnages adolescents? Je vais aimer. Comme toi je suis sensible aux lieux et les Ozarks en hiver ne peuvent que donner un tel livre.
Un livre que j’aime avec passion (ce n’est pas un roman mais un mémoire) et qui utilise aussi magnifiquement le cadre de l’histoire c’est The Glass Castle de Jeannette Walls. Contrairement au livre dont tu parles l’auteur parvient malgré la dureté de sa vie et la misère qui l’entoure à nous faire aimer sa vie, sa famille et ces paysages américains parfois si hostiles.
Merci pour un autre beau livre en tous cas.
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Le livre dont tu parles a été traduit, Evelyne ?
En tous cas dans celui dont je parle, le décor est un reflet des gens, ou plutôt le contraire, comme l’expliquait Ron Rash en parlant des Appalaches, des montagnes en général, qui façonnent les caractères. Ici, le livre m’a incitée à aller voir ce qu’étaient les Ozarks et je suis tombée sur des sites assez bizarres, sur des communautés vivant là très ressemblantes aux Dolly ( ça fait un peu peur ! ). Un auteur très doué, en tous cas; au-delà du sujet, écriture magnifique.
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Laisse moi vérifier pur la traduction. J’espère car c’est vraiment superbe.
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La réponse est oui sous le titre Le château de verre!😊
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Super ! je vais chercher ça ! Pour une fois je pourrai lire quelques chose que toi tu vas me conseiller ! ( si je trouve le livre)
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Il a été très acclamé ici donc il y a une chance que tu le trouves.
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Oui ! je l’ai trouvé, je vais le commander chez mon libraire !
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Tu me diras ce que tu en penses. J’ai trouvé ce mémoire merveilleux malgré les obstacles incessants dus aux choix parentaux. Plein d’amour pour sa famille et pour la vie. Superbement écrit j’espère qu’il est bien traduit. 🎃
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Oui, bien sûr, je te dirai – ça fera même peut-être un article – et j’espère aussi qu’il sera bien traduit ( Bella Arman, je ne connais pas cette traductrice )
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Je viens de l’acheter pour mon voyage en Allemagne…. !
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Je pense que tu vas aimer, j’espère ! Et bon voyage, monsieur !
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Il est dans ma PAL depuis un petit bout. Tu me donnes franchement envie de l’en sortir. Magnifique billet! Et j’ignorais qu’une bande dessinée était parue? Bien envie de les lire l’un après l’autre.
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Woodrell est une de mes plus belles découvertes, et ce livre-ci me dit que je dois lire les autres. Je suis toujours sensible à ce genre d’histoire.
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Rien de moins? Ça me donne d’autant plus envie de le découvrir. J’ai aussi « La mort du petit coeur » dans ma PAL. Je sens que je ne tarderai pas à m’y mettre.
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La mort du petit coeur sera mon prochain
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Il est dans ma pal depuis X time mais j’ai toujours peur de le sortir parce que j’ai l’impression qu’il est très glauque !
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Eh bien, oui, assez, mais en même temps très poignant. La jeune Ree est un personnage très attachant, coincée dans une réalité sociale dans laquelle elle est née, dans laquelle elle vit, survit, avec un courage et une ténacité rares. Après, si on craint les univers sombres, je comprends qu’on n’ouvre pas ce livre. Mais magnifique écriture, et rien que pour ça ça vaut le coup.
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Ping : Glace en hiver | Coquecigrues et ima-nu-ages
Ce roman est vraiment très fort, le film lui fait honneur d’ailleurs 🙂
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Ping : « Là où les lumières se perdent – David Joy – éd. Sonatine, traduit par Fabrice Pointeau | «La livrophage