» 29 Septembre. Aujourd’hui, j’ai quitté l’endroit où j’ai grandi, convaincu que le destin n’est qu’un mirage. Pour autant que je sache, il n’y a que la vie, et je me réjouis à l’idée de la vivre.
Ainsi commençait le journal de James Donovan.
Et je m’en allais par le monde. »
Ainsi se termine ce livre, sur un abandon et un départ…Difficile de quitter ce roman. Steve Tesich, dans une narration fluide, douce, raconte une histoire cruelle, des histoires cruelles, des histoires d’amour, l’histoire d’un jeune homme qui se construit dans la douleur d’un père mourant, dans une rencontre avec Rachel, versatile, secrète, qui se joue sans cesse de ses sentiments…East Chicago, le bac en poche, trois amis qui se questionnent sur leur avenir, entre parents absents, trop aimants ou pas assez. Daniel Price a 18 ans et tout ce qui va avec cet âge, questions sur l’avenir, sur le destin – tout tracé ou non ? – , les filles, l’amour, la sexualité…Tout ça en espérant échapper à la raffinerie de pétrole et à la même routine que celle vécue par son père, jusqu’à la maladie.
« Le problème avec l’amour, reprit-il autant pour lui que pour moi, c’est que c’est à la fois un poison et un antidote – et qu’on ne sait jamais vraiment lequel des deux on avale. »
Mais le livre raconte aussi ce que sera Steve Tesich : un écrivain et un scénariste. Car Daniel « se fait des films ». Du début jusqu’à la fin du livre, on l’écoute imaginer tout ce qu’il ne vit pas, toutes ses frustrations et le moyen de s’en débarrasser, les mots qu’il devrait dire, les gestes qu’il devrait faire, il met au point des stratégies qu’il n’utilisera presque jamais…Et il écrit les journaux intimes des autres pour tenter de se mettre à leur place, de se placer dans leur point de vue. Et d’un tout jeune adulte qui ne sait pas encore que faire, comment le faire, aimer et comment aimer, naît un écrivain.
Il faut parler aussi de la maman, grande et belle femme serbe, dont l’accent et l’organisation des phrases sont remarquablement rendus par la traductrice. Elle est pour moi un très beau personnage du roman, avec ses rites, son calme imperturbable, et sa sensibilité, elle est l’équilibre de Daniel, sans qu’il s’en rende compte.
Qu’on ne s’y trompe pas, ce livre est sombre, lucide et – enfin je l’ai senti comme ça – désespéré…
J’ai tout aimé dans ce livre; un sujet maintes fois traité, mais abordé sous un angle tel qu’il apparaît sous un nouveau jour, la douleur qui s’en dégage et qu’on partage avec Daniel, celle qui surgit face à la réalité du monde, les sentiments forts que j’ai éprouvé pour les protagonistes de l’histoire ( oh ! Freund !…), la tristesse en arrivant à la fin et…la bibliothécaire.
« Et puis je me mis à penser à elle. Depuis tant d’années que je la connaissais, pour moi, elle avait toujours été « la vieille bibliothécaire ». Et voilà qu’elle devenait Mademoiselle Day. Je me demandais quel pouvait être son prénom et pourquoi elle ne s’était jamais mariée. Peut-être les livres étaient-ils plus faciles à comprendre et à aimer que les gens. »
Vous pouvez par la même occasion aller visiter le site de cette belle maison d’éditions, Monsieur Toussaint Louverture .
Editeur qui avec humour a écrit à propos de l’objet – livre lui-même : « La couverture est du Loop Uncoated Vellum de 290 grammes imprimé en offset, puis cogné typographiquement pour lui apprendre la vie.« ( ben moi, je trouve ça drôle, pas vous ?)
Et pour parfaire la beauté du livre, gravées sur la tranche ces courtes phrases tirées du roman :
» Des choses mortes, de vieux rêves brisés, nous en avons tous, nos têtes en sont pleines, la mienne en tous cas, elle en est pleine. À une époque pourtant, c’était une cage à oiseaux, propre et nette. Il y avait un rossignol à l’intérieur, et il chantait d’une voix pure et fraîche…la chanson de ma vie. »
Dis donc ! Tu en parles drôlement bien ! Ca se sent vraiment que tu as adoré. Etrangement,je n’ai encore jamais lu de Steve Tesich, ca viendra peut-être, mais je ne sais pas pourquoi, chaque fois que je me dis, aller, je me lance, je me dis que non, en fait, ce n’est pas le bon moment. Alors je patiente, pour profiter entièrement du livre 🙂 Merci d’avoir partagé !
Des bises
Mary
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Le mouchoir à la main ! Non, enfin si, un peu, mais c’est très beau, je n’avais rien lu non plus, je vais lire « Karoo », c’est sûr; c’est super bien écrit ( et traduit, je te jure, la maman serbe, c’est très juste, pas caricatural ) , c’est très prenant, on partage tous les sentiments du personnage, et en plus, bel objet, couverture gravée, beau papier, superbe à tous points de vue !Et c’est triste, mais pas plombant non plus quand même ! Je suis un poil sensible en ce moment, alors…:)
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Des fois, pleurer un bon coup sur un livre, ça soulage de beaucoup de choses 🙂
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Tu l’as dit, Mary ! On se sent moins seul 😉
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J’ai lu « Karoo », le dernier roman avant sa mort. Un anti-héros pas sympa,un handicapé du sentiment. Un roman marquant. Tu me donnes envie de lire celui-ci.
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Ah eh bien là, le personnage est attachant ( remarque, parfois, les « méchants sont attachants d’une autre façon…). Un très très beau livre, pour moi
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Et une belle présentation cognée pour Karoo aussi!
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Oui ! ce sont de très beaux livres et ce petit trait d’humour m’a bien fait rire ( pour me consoler )
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Vu la beauté de la traduction, je me dis que la version originale doit être sublime. En fait, comme tu le dis justement, un roman sort de l’ordinaire quand un thème familier devient original. Dur de réussir cela quand on écrit! Merci pour un autre livre à lire…
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Là, j’en suis sûre…Si je pouvais lire en VO, mais …C’est vrai, le thème de la sortie de l’adolescence, le passage à l’âge adulte, la réalité du monde, tout ça a déjà été écrit avec plus ou moins de bonheur. Là, en fait, et en filigrane, l’auteur accompagne ce sujet d’une réflexion sur la liberté, sur l’indépendance, sur l’artiste en devenir. C’est un livre très très riche.
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Merci!
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Je le note car j’ai envie de le lire. Tu en parles très bien, c’est vrai!
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Merci ! c’est l’envie de partager et de pouvoir échanger encore après !
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Je ne veux pas lire ton billet, parce que je sais que je vais lire ce roman, c’est certain. Bon, j’ai survolé quand même ! Je retiens l’essentiel : tu as tout aimé dans ce livre. Mais j’attaquerai par Karoo que j’ai déjà…
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et moi je vais lire Karoo, que je n’ai pas encore ! 😉
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Ça donne vraiment envie de le lire … Encore un sur ma liste ?
OK. Encore un sur ma liste !!
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Ah ben…Tu fais comme tu veux, mais si j’étais toi…je n’hésiterais pas une seconde ! 🙂
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Ça y est, je l’ai acheté … J’ai vite, vite, fait défiler le curseur pour ne pas me remémorer ce que je m’étais hâté d’oublier de tes propos !!!
Comme ça, je me souviens juste de l’essentiel (pour l’instant) : tu m’avais donné très très envie de le lire !
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Hâte d’avoir ton avis; pour moi une des plus belles lectures de 2014 – peut-être bien la plus forte et belle – et un personnage qui me reste dans le coeur. Bonne lecture, Marie !
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Ça y est … J’ai pu m’autoriser à relire ce que tu avais écrit, et tu en parles drôlement bien !
Que dire de plus si ce n’est que j’ai quitté ce livre avec regrets. Que ce personnage dense et fragile, et tous les autres aussi, ont fait intensément partie de ma vie tout le temps qu’a duré l’immersion.
Il reste toujours une sorte d’affection, cachée quelque part (on ne sait pas bien où), pour ces personnages qui quittent la fiction et font un peu corps vivant avec nous, qui restent latents dans nos mémoires, en sourdine, mais pour longtemps : Daniel Price fera partie de ceux-là.
Bref, je n’avais rien lu d’aussi bien, d’aussi entier, d’aussi « enveloppant » depuis … ouuuuuuh …. je ne sais pas 🙂
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Comme je suis contente que Daniel Price soit entré dans ta vie ! Eh oui, quel talent admirable ! Je ne peux rien dire de plus que toi, et je sais que toutes les personnes à qui j’ai conseillé Price en sont ressortis avec ces mêmes sentiments. Une de mes plus belles lectures, à moi aussi.
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